Qu'est ce que la magie
?
A
ROME...
Les mots
magus/magicus et magia apparaissent tardivement (1er siècle av. J.-C.). Ces
termes sont bien évidemment empruntés au grec. On trouve le terme magus pour
désigner un spécialiste de la religion perse chez Catulle et la première
occurrence de l'adjectif magicus apparaît chez Virgile. Mais toutes les
citations de ces mots font partie de l'évocation des rites grecs, non des
habitudes romaines.
Pourtant la magie en tant que telle, existe bel et bien. Elle agit par carmina
(bona et mala). Le rituel est donc chanté ; les gestes magiques pour guérir un
membre fracturé, par exemple, (deux moitiés de roseau que l'on rapproche)
s'accompagne de chants Pour nous ce rituel s'apparente à la magie, mais les
Romains ne raisonnent pas de la même façon : ces gestes ne relèvent pas de la
magie mais de la médecine. La magie véritable se définit par une intention
malveillante et non par des formes rituelles spécifiques. La preuve en est que
les termes uenenum (breuvage magique, philtre), ueneficium (empoisonnement) et
ueneficus (empoisonneur) ne prirent que tardivement des sens maléfiques.
Enfin il faut signaler que la figure du magos ou goès itinérant est inconnue
des Romains. Les prêtres itinérants existent mais ne pratiquent pas la
divination. On se méfie de l'haruspice ou du devin chaldéen, mais c'est
uniquement pour éviter de se faire soutirer de l'argent inutilement... Sous
l'Empire tout change : la magie devient envahissante en accaparant les procédés
de la médecine, en s'appropriant la fonction de la "religion"et en
annexant aussi l'astrologie
Il s'est donc produit à Rome une évolution en deux temps : sous la République, il existe
des pratiques qui s'attaquent à l'intégrité des personnes ou de leur propriété
(ueneficium, malum carmen) mais ces pratiques ne sont pas considérées comme de
la magie et sous l'Empire le terme magia combine médecine (qui guérit),
astrologie et divination. L'élite romaine, hellénisée, s'est emparée du terme
grec qu'elle associe à ueneficium (maléfice).
Reste, pour terminer, à préciser en quoi la magie et la sorcellerie se
distinguent de la religion, d'une part, des cultes à mystères d'autre part.
Quelle que soit l'étymologie du mot religion ,la religion met l'accent sur
l'importance d'un rituel fixé et reconnu par les traditions et les décisions de
la cité, la magie sur des pratiques et des procédés plus ou moins fantaisistes,
dépendant d'un individu et destinés au "vécu" d'un individu. La religion
agit au grand jour, la magie, dans l'univers du secret ; la religion implique
la toute-puissance des dieux qu'elle laisse, par conséquent, libres d'agir car
ils savent, mieux que les hommes, ce qui est bon pour eux ; la magie, la
sorcellerie prétendent persuader les dieux, voire leur commander (parfois avec
menaces) d'intervenir pour la réalisation de desseins personnels. On a même pu
dire que le monde de la magie était la cité à l'envers, parce que les marginaux
de la société antique (les femmes et les esclaves) y règnent, alors que dans la
religion officielle ce sont le prêtre, le roi qui agissent au nom de la cité.
Enfin, quelle différence entre magie, sorcellerie et les cultes à mystères,
comme ceux d'Éleusis, ou l'orphisme, toutes doctrines secrètes ? Leur point
commun c'est d'abord la nécessité d'une initiation, ensuite le but visé, qui
est un résultat, un aboutissement. Mais le sorcier qui pratique la magie
demande un résultat immédiat (reviennent sans cesse dans les formules
d'incantation ou d'imprécation les mots "vite, vite, très vite") ; le
participant aux mystères, le myste, se plie à une ascèse et à un rituel qui
dure plusieurs jours ; l'orphisme sait que l'aboutissement, c'est-à-dire la
quête de la félicité, est fort long et peut exiger plusieurs vies. Mais magie,
mystères et orphisme visent tous les trois un accomplissement individuel, une
libération personnelle.
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