Les imagiers du moyen âge lui ont donné le torse et
les bras d'une femme, la tête et les pieds d'un bouc, sans oublier les ailes de
chauve-souris. Ils ont voulu que leur baphomet réunisse en lui à la fois les
deux sexes et les quatre éléments,indiqués par le bleu des ailes(air), le rouge
de la tête(feu), le vert des cuisses couvertes d'écailles de poisson(eau), et le
noir des jambes(terre).
Cette représentation de la lumière astrale,
où se débattent
sylphes, salamandres, ondines et gnomes, s'érige sur un autel rectangulaire,
qui
symbolise le mensonge ou l'illusion de ce que nous appelons matière. Celle-ci en
effet n'est qu'un mirage,une jonglerie diabolique, due au tourbillonnement
vertigineux du néant des atomes. Mais où sont les sages qui s'en rendent
compte? Le prince de ce monde règne en maître grâce à l'aveuglement de ses
dupes. Il les retient sous sa dépendance par les liens de la matérialité, figurés
dans le tarot par les cordes à noeud coulant,qui rattachent deux diablotins au
piédestal du grand diable hermaphrodite. Ces démons secondaires ne sont qu'un
dédoublement sexué de satan-panthée. Celui de droite est un satyre rouge, chargé
de séduire les intelligences en excitant l'orgueil; c'est lui qui engage Eve à
manger du fruit défendu, afin que les yeux de la créature s'ouvrent à la lumière
et qu'elle devienne ainsi semblable au créateur, connaissant le bien et le mal.
A
cette entité masculine et active, qui exerce sa domination sur les
esprits, s'oppose une diablesse de couleur verte, destinée à régner sur la sensibilité,
sur
l'âme de vie la plus inférieure,en déchaînant le rut et toutes les
irrésistibles appétences de la luxure.
Ces démons aux pieds de chèvre correspondent aux bras de l'idole
centrale, laquelle n'agit que par leur ministère. L'une des cornes du diablotin
mâle touche en effet le grand cierge jaune que le baphomet tient de la main
droite. C'est la torche incendiaire qui porte le feu dans les entendements et y
suscite la révolte,la confiance en soi,le besoin impérieux
d'indépendance,d'autonomie et de liberté sans frein.Vénus-astaroth, la diablesse
de gauche,se trouve placée d'autre part sous le symbole de l'union des sexes
que,du même côté, le grand diable élève vers le ciel,comme pour en faire
l'emblème essentiel de son culte.
COAGULA se lit d'ailleurs sur le bras qui fait
appel au fluide diffus pour le condenser, et en faire l'universel agent de
l'instinct génésique, autrement dit de l'involution, ou descente de l'esprit dans
la matière (chute édénale). Sur le bras qui tient la torche, un tatouage analogue fait
ressortir le mot:SOLVE. C'est que l'intellectualité diabolique est
dissolvante; elle prétend savoir et s'en fait fort pour nier
systématiquement, contester avec véhémence et renverser les échafaudages de la
faiblesse humaine. Les arts magiques,qui ont la prétention d'asservir le
diable, se basent uniquement sur les moyens dont la volonté peut disposer pour
coaguler et dissoudre à son gré la lumière astrale. Celle-ci ne doit pas être
envisagée, du reste, comme foncièrement perverse. Si nous en doutions, le pentagramme
lumineux, qui se détache sur le front de baphomet, devrait nous éclairer à cet
égard.
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